Yves
Klein (1928-1962)
biographie
référentielle
1928
Yves
Klein est né à Nice le 28 avril, rue Verdi, dans la maison de ses grands-parents
maternels. Son père, Fred Klein, hollandais d'origine indonésienne, est un peintre
figuratif. Sa mère, née Marie Raymond, originaire des Alpes-Maritimes, est connue
comme peintre abstrait.
1928-1946
Yves
Klein suit ses parents dans leurs divers domiciles.
1947
Durant
l'été, en s'inscrivant à Nice au club de judo du quartier général de la Police,
Yves Klein fait la connaissance de Claude Pascal et d'Armand Fernandez. Réunis
par un grand attrait pour l'exercice physique, ils aspirent tous les trois à
" l'Aventure " du voyage, de la création, de la spiritualité.
Le judo fut pour Yves la première expérience de l'espace "spirituel".
Sur
la plage de Nice, les trois amis choisissent de "se partager le monde":
A Armand revient la terre et ses richesses, à Claude Pascal l'air, et à Yves
le ciel et son infini :
"alors
que j'étais encore un adolescent, en 1946, j'allais signer mon nom de l'autre
côté du ciel durant un fantastique voyage "réalistico-imaginaire".
Ce jour-là, alors que j'étais étendu sur la plage de Nice, je me mis à éprouver
de la haine pour les oiseaux qui volaient de-ci, de-là, dans mon beau ciel
bleu sans nuage, parce qu'ils essayaient de faire des trous dans la plus
belle et la plus grande de mes uvres".
1948
Un
jour, (à la fin de 1947 ou au début de 1948), dit Claude Pascal, Yves
arriva en disant "regardez, j'ai trouvé".
Il me montra La Cosmogonie des Rose-Croix. Nous avons essayé de lire le livre
et découvert que, sans maître, on ne le comprendrait pas. Finalement, les
deux jeunes gens trouvent en Louis Cadeaux, vieil astrologue, un initiateur
à la doctrine hermétique de la Rose-Croix (Claude Pascal, cité dans Yves
Klein, catalogue dexposition, Centre Georges Pompidou, Paris, 1983).
La
Cosmogonie des Rose-Croix, de Max Heindel, devient un élément de référence et
d'étude quotidienne pour Klein durant quatre à cinq ans.
En
juin,
Yves Klein et Claude Pascal s'inscrivent à la Société des Rose-Croix d'Oceanside
en Californie.
Pendant
l'été 1948, Klein visite l'Italie (Gênes, Portofino, Pise, Rome, Capri,
Naples...). En novembre 1948, il part pour onze
mois de service militaire en Allemagne.
Fin
1949,
Claude Pascal et Yves Klein s'installent provisoirement à Londres où ils poursuivent
leurs activités de judo. Yves trouve un emploi chez l'encadreur Robert Savage,
qui avait préparé l'exposition de Fred Klein à Londres en 1946. A cette époque,
Yves crée quelques monochromes sur papier et sur carton en utilisant le pastel
et la gouache. Le séjour chez Savage sera pour lui un apprentissage de la rigueur
dans le travail. Yves apprend alors la dorure à la feuille d'or.
1951
Le
3 février,
Yves Klein part pour Madrid afin d'y étudier l'espagnol. A l'origine, Claude
Pascal et Yves avaient projeté un tour du monde initiatique. Des ennuis de santé
empêchèrent Pascal de partir. En Espagne, inscrit dans un club de judo, Klein
remplace un moniteur et remplit dès lors cette fonction régulièrement. Il devient
très proche du directeur de l'école Fernando Franco de Sarabia, dont le père
est éditeur.
1952-1953
Pendant
l'été 1952, il prend des contacts au Japon et, grâce à l'aide de sa tante, s'embarque
pour Yokohama où il arrive le 23 septembre. Peu
après, il s'installe à Tokyo et le 9 octobre, s'inscrit
à l'Institut Kôdôkan, le plus prestigieux centre de judo. Il vit au Japon durant
quinze mois, partageant son temps entre l'Institut et les leçons de français
qu'il donne à des étudiants américains et japonais. Durant ce séjour, il prépare
un livre sur le judo dans le but d'importer en Europe l'esprit et la technique
des Katas japonais. Pendant l'année 1953, Yves
résilie son adhésion à la Société des Rose-Croix d'Oceanside.
Peu
avant son retour, il obtient le 4e dan de judo et accède ainsi au meilleur niveau
européen.
1954
De
retour à Paris, il publie un livre Les Fondements du Judo aux Editions
Grasset. Ce traité de judo est illustré de photographies montrant Yves Klein
réalisant des Katas en compagnie d'autres judokas. Yves décide alors de quitter
la France pour l'Espagne où l'appelle l'éditeur Fernando Franco de Sarabia.
Mai
: Yves Klein publie Yves Peintures et Haguenault Peintures. Ces
deux recueils de monochromes sont réalisés et édités par l'atelier de gravure
de Fernando Franco de Sarabia, à Jaen, près de Madrid. La préface signée Pascal
Claude est composée de lignes noires en place du texte. Les dix planches en
couleurs sont constituées de rectangles unicolores découpés dans du papier et
accompagnés de dimensions en millimètres. Chaque planche indique un lieu différent
de création, Madrid, Nice, Tokyo, Paris. Haguenault Peintures porte des
mentions de collections.
Ces
deux ouvrages constituent le premier geste public de Yves. Yves Peintures
et Haguenault Peintures sont des uvres d'art par lesquelles Yves
Klein pose la question de l'illusion dans l'art.
1955
A
la fin de 1954, Klein quitte l'Espagne pour Paris.
Au
printemps 1955, il propose un monochrome orange intitulé Expression de l'univers
de la couleur mine orange au Salon des Réalités Nouvelles qui est réservé
aux artistes abstraits. De forme rectangulaire, ce panneau de bois est uniformément
couvert de peinture orange mate. Il est signé du monogramme YK et daté de mai
1955.
Le
monochrome est refusé par le jury qui explique à Marie Raymond les raisons de
son choix :
Vous
comprenez, ce n'est pas vraiment suffisant tout de même; alors si Yves acceptait
au moins d'ajouter une petite ligne, ou un point, ou même simplement une
tache d'une autre couleur, nous pourrions l'accrocher, mais une seule couleur
unie, non, non, vraiment ce n'est pas assez, c'est impossible!
(Yves
Klein, L'Aventure monochrome, première partie, anthologie de textes dYves
Klein, 1958).
Septembre:
Yves Klein ouvre une école de judo au 104, boulevard de Clichy, à Paris. Dans
la salle il accroche plusieurs monochromes.
15
octobre:
première exposition publique Yves Peintures, au Club des Solitaires,
dans les salons privés des Editions Lacoste. Yves expose des monochromes de
différentes couleurs. Il livre ses intentions dans un texte proposé aux visiteurs
de l'exposition :
Il y a des nuances douces, méchantes, violentes, majestueuses, vulgaires,
calmes, etc. En somme, chaque nuance de chaque couleur est bien une "présence",
un être vivant, une force active qui naît et qui meurt après avoir vécu
une sorte de drame de la vie des couleurs.
La
pensée théorique de Yves Klein est déjà manifeste lors de cette première exposition.
La rencontre essentielle avec Pierre Restany au Club des Solitaires sera un
élément déterminant dans la carrière artistique d'Yves Klein comme dans celle
de Pierre Restany.
1956
21
février - 7 mars :
Exposition Yves, Propositions Monochromes, à la Galerie Colette Allendy,
au 67, rue de l'Assomption, à Paris. Pierre Restany écrit un texte radical et
provocant pour le carton d'invitation.
Durant
le vernissage, Klein rencontre Marcel Barillon de Murat, chevalier de l'Ordre
des Archers de Saint-Sébastien, qui lui propose de se joindre à eux. Le
11 mars, Yves est adoubé chevalier de l'Ordre des Archers de Saint-Sébastien
en l'Eglise de Saint-Nicolas-des-Champs à Paris. Il prend comme devise :
Pour la couleur! Contre la ligne et le dessin!
Yves
Klein fait la connaissance d'Iris Clert, qui animait une petite galerie de 20
m2, située au 3, rue des Beaux-Arts, à Paris.
1957
02
- 12 janvier
: début de l'Epoque bleue.
Exposition
Yves Klein : Proposte monocrome, epoca blu, à la Galerie Apollinaire
à Milan. Onze uvres de formats identiques (78 x 56 cm), peintes uniformément
de bleu outremer, sont suspendues par un système d'équerres à une distance de
20cm du mur, saturant l'espace restreint de cette galerie de petites dimensions.
Les panneaux bleus n'étant pas encadrés, la couleur recouvrait les bords extérieurs
du châssis. Pour la première fois, Klein présente une salle entière de monochromes
bleus, dont l'un fut acquis par Lucio Fontana.
Cette
première exposition de L'Epoque bleue est l'occasion pour Yves de juger de la
réception de son uvre.
En
mai 1957,
Yves présente une double exposition, à la Galerie Iris Clert, à Paris, d'une
part Yves, Propositions monochromes, du 10 au 25
mai, d'autre part à la Galerie Colette Allendy, Pigment pur, du
14 au 23 mai.
Chez
Iris Clert, Yves choisit de présenter ses Propositions monochromes comme
il l'avait fait à Milan. L'avènement de L'Epoque bleue est célébré par un lâcher
de 1001 ballons bleus dans le ciel de Paris lors de l'inauguration. Klein qualifiera
ce geste de Sculpture aérostatique.
Chez
Colette Allendy, Yves présente un ensemble d'uvres annonçant ses développements
futurs : Sculptures, environnement, bacs de pigment pur, paravent, la première
peinture de feu, Feux de Bengale-tableau de feu bleu
d'une minute (M 41) et le premier Immatériel
: une salle a été laissée entièrement vide en témoignage de la présence de la
sensibilité picturale à l'état matière première. L'invitation commune aux deux
expositions porte un texte de Pierre Restany et est affranchie avec un timbre
bleu réalisé par Yves Klein.
31
mai 1957 :
la Galerie Schmela de Düsseldorf ouvre ses portes avec l'exposition Yves,
Propositions monochromes.
4
juin - 13 juillet
: exposition Monochrome Propositions of Yves Klein à la Gallery One de
Londres. Le 26 juin au cours d'un débat organisé avec Klein et Restany à l'Institut
of Contemporary Arts, une polémique prend des proportions imprévues. La presse
anglaise se fait largement l'écho du scandale provoqué par l'exposition.
A
Nice, durant l'été, Yves rencontre Rotraut Uecker, jeune artiste allemande qui
deviendra son assistante, puis son épouse.
1958
Janvier
: Yves Klein obtient une importante commande pour la décoration du nouvel Opéra
de Gelsenkirchen. Les travaux de construction dureront quarante mois. Il y retrouvera
Norbert Kricke, Paul Dierkes, Robert Adams, Jean Tinguely, sous la maîtrise
d'uvre de l'architecte Werner Ruhnau.

Projet d'Yves Klein pour l'agencement du nouveau théâtre de Gelsenkirchen-1958.
Au
printemps, il s'installe à Paris au 14 rue Campagne-Première.
Avril
: premier pèlerinage au monastère de Sainte-Rita à Cascia en Italie.(
voir en galerie sculpture l'Ex-Voto offert au sanctuaire de sainte rita de Cascia.)
26
avril
: A 23h a lieu un essai d'éclairage en bleu de l'Obélisque de la place de la
Concorde en présence d'Iris Clert, d'Yves Klein et du chef de l'éclairage de
la Ville de Paris. Le but de Klein est de compléter l'inauguration de sa future
exposition chez Iris Clert, prévue deux jours plus tard, par l'éclairage du
monument. L'autorisation sera en définitive refusée par le Préfet. (
Voir en galerie sculpture l'illumination posthume en bleu de l'Obélisque-
1983)
28
avril
: vernissage de l'exposition La spécialisation de la sensibilité à l'état
matière première en sensibilité picturale stabilisée, Le Vide (époque pneumatique),
à la Galerie Iris Clert.
5
juin
: première expérimentation de la technique des "pinceaux vivants",
dans l'appartement de Robert Godet situé dans l'Ile Saint-Louis à Paris. Grand
ami d'Yves Klein avec lequel il partage une réelle complicité intellectuelle,
Robert Godet fut disciple de Gürdjieff, professeur de judo et philosophe occultiste.
Lors de cette soirée, Yves enduit de peinture bleue le corps d'une jeune femme
et réalise des empreintes, véritables traces corporelles.
A
l'automne,
Yves se rend pour la seconde fois à Cascia, en compagnie de sa tante Rose, pour
remercier sainte Rita d'avoir obtenu pour lui la commande de Gelsenkirchen.
Il fait don d'un monochrome bleu au monastère.
Octobre
: avec Rotraut, Yves travaille sur le chantier de Gelsenkirchen. C'est à cette
époque qu'il prend pleinement conscience du potentiel sensible des éponges imprégnées
de pigment bleu. En 1957 déjà, lors de l'exposition chez Colette Allendy, il
avait présenté quelques éponges imprégnées.
Les
Sculptures-éponges
C'est
à cette occasion là aussi que j'ai découvert léponge. En travaillant
à mes tableaux dans mon atelier, j'utilisais parfois des éponges. Elles
devenaient bleues très vite, évidemment! Un jour je me suis aperçu de la
beauté du bleu dans l'éponge ; cet instrument de travail est devenu matière
première d'un seul coup pour moi. C'est cette extraordinaire faculté de
l'éponge de s'imprégner de quoi que ce soit fluidique qui m'a séduit. Grâce
aux éponges matière sauvage vivante, j'allais pouvoir faire les portraits
des lecteurs de mes monochromes, qui, après avoir vu, après avoir voyagé
dans le bleu de mes tableaux en reviennent totalement imprégnés en sensibilité
comme des éponges
(Yves
KIein, texte dactylographié).
A
l'Opéra de Gelsenkirchen, conçu et décoré par une équipe internationale d'artistes
et d'architectes, Klein crée six uvres monumentales de toute première
importance dans son uvre : quatre Reliefs-éponges bleus d'une longueur
de dix mètres (deux pour le long mur du foyer principal et deux pour le vestiaire
du niveau inférieur) et 2 monochromes bleus d'une longueur d'environ 7 mètres
par 20 mètres destinés aux murs latéraux du foyer principal. Ces uvres
sont des reliefs de plâtre armé de fil de fer, recouverts d'éponges naturelles
et peints au pistolet en bleu IKB.

Foyer du théâtre de Gelsenkirchen - 1959
1959
17
mars
: Klein participe à l'exposition Vision in Motion au Hessenhuis d'Anvers.
Au
printemps,
Yves travaille avec l'architecte Claude Parent sur son projet de Fontaines d'eau
et de feu ; il dessine un projet de sculpture aéromagnétique.
29
mai
: Iris Clert présente une exposition intituléeCollaboration
internationale entre artistes et architectes dans la réalisation du nouvel
Opéra de Gelsenkirchen et montre dans sa galerie les maquettes du groupe
qui a conçu cet Opéra : Werner Ruhnau, Norbert Kricke, Jean Tinguely, Paul Dierkes,
Robert Adams et Yves Klein.
3
et 5 juin
: Yves Klein donne une conférence à la Sorbonne intitulée L'évolution de
l'art vers l'immatériel. Cette intervention est suivie de celle de Werner
Ruhnau.
Je
devais arriver dans mon évolution à une architecture de
l'air, parce que seulement là, je peux enfin produire et stabiliser
la sensibilité picturale à l'état matière première. Jusqu'à présent dans
l'espace architectonique encore très précisé, je peins des tableaux monochromes
dans une manière la plus éclairée possible ; la sensibilité couleur encore
très matérielle doit être réduite à une sensibilité immatérielle plus pneumatique.
Werner
Ruhnau, lui est sûr que l'architecture d'aujourd'hui est en chemin vers
l'immatérialisation des villes de demain. Les toits suspendus et les constructions-tentes
de Frei Otto et d'autres sont des pas importants faits dans cette direction.
En utilisant l'air et les gaz et le son comme éléments d'architecture, ce
développement peut être encore avancé.
Mes
murs de feu, mes murs d'eau, sont avec les toits d'air, des matériaux pour
construire une nouvelle architecture. Avec ces trois éléments classiques
feu, air et eau, la ville de demain sera construite, elle sera enfin flexible,
spirituelle et immatérielle.
(Yves
Klein, Conférence de la Sorbonne, Paris, 3 juin 1959)
15
- 30 juin
: exposition Bas-reliefs dans une forêt d'éponges, Galerie Iris Clert,
Paris.
2
- 25 octobre
: à la première Biennale de Paris, Pierre Restany présente un monochrome de
grand format dans la sélection des uvres proposées par le jury des jeunes
critiques. Jean Tinguely, Raymond Hains, Jacques Mahé de la Villeglé et François
Dufrêne font aussi partie de la sélection. C'est une étape essentielle de la
formation du groupe des Nouveaux Réalistes.
16
octobre - 22 novembre
: Yves Klein participe à deux expositions en Allemagne Kunstsammler am Rhein
und Ruhr : Malerei 1900-1959 au Städtisches Museum de Leverkusen et Dynamo
1 à la Galerie Renate Boukes, à Wiesbaden.
20
octobre - 7 novembre
: Yves Klein est présent dans l'exposition Works in Three Dimensions
à la Galerie Leo Castelli à New York, avec Chamberlain, Folett, Giles, Johns,
Kohn, Marisol, Rauschenberg et Scarpitta.
18
novembre
: Yves Klein vend sa première Zone de Sensibilité Picturale Immatérielle
à Peppino Palazzoli.
Le
7 décembre,
il en vend une autre à Jacques Kugel, et à Paride Accetti, et le 8 décembre,
à Alain Lemée.
15
décembre : inauguration de l'Opéra de Gelsenkirchen.
Décembre
: Yves Klein publie en Belgique Le Dépassement de la problématique de l'art,
aux Editions de Montbliart, La Louvière.
1960
4
janvier - 1er février
: Klein participe à l'exposition La nouvelle conception artistique à
la Galerie Azimut de Milan avec Breier, Castellani, Holweck, Mack, Manzoni et
Mavignier.
Février
: A l'exposition Antagonismes organisée par le Musée des Arts Décoratifs
à Paris, il présente un Monogold frémissant et deux Zones de sensibilité
picturale immatérielle.
Les
Monogolds ont été réalisés entre 1960 et 1961, faisant intervenir
l'or fin dans leur composition, matériau aussi précieux que symbolique. Certains
Monogolds réunissent des séries de rectangles assemblés en grilles ; d'autres
sont composés de feuilles d'or mobiles fixées sur un panneau recouvert d'or
bruni et qui frémissent au moindre souffle ; enfin, certains sont des reliefs
concaves dans lesquels les feuilles d'or couvrantes ont été soigneusement polies
jusqu'à acquérir un réel pouvoir de réflexion.
23
février
: à son domicile, Yves Klein réalise les empreintes de Rotraut et de Jacqueline
qui déposent les traces bleues de leur corps sur une grande feuille de papier
blanc fixée au mur en présence de Pierre Restany. L'uvre est nommée par
les participants Célébration d'une nouvelle Ere anthropométrique. Avec
ces traces inscrites sur le support, Klein veut fixer dans leur fugacité les
marques des "Etats-moments de la chair".
[...]
J'ai donc pris des modèles. J'ai essayé. C'était très beau. La chair ; la
délicatesse de la peau vivante, sa couleur extraordinaire et si paradoxalement
incolore en fait me fascinait
Un jour, j'ai compris que mes mains, mes outils de travail pour manier la
couleur ne suffisaient plus. C'était avec le modèle lui-même qu'il fallait
brosser la toile monochrome bleue. Non, ce n'était pas de la folie érotique.
C'était très beau. J'ai jeté une grande toile blanche par terre. J'ai vidé
vingt kilos de bleu au milieu et la fille s'est ruée dedans et a peint là
mon tableau en se roulant sur la surface de la toile dans tous les sens.
Je dirigeais, en tournant rapidement autour de cette fantastique surface
au sol tous les mouvements et déplacements du modèle qui, d'ailleurs, pris
par l'action et par le bleu vu de si près et en contact avec sa chair, finissait
par ne plus m'entendre lui hurler "encore un peu à droite !",
"là ! revenez en roulant sur le ventre et sur le dos", "vers
ce côté là!", "écrasez votre sein droit seulement sur cet
endroit-là, précis"... et voilà" (Yves Klein)
9
mars
: Anthropométries de l'Epoque bleue, à la Galerie Internationale d'Art
Contemporain, 253 rue Saint-Honoré à Paris. Sous la direction
d'Yves Klein et pendant l'exécution de la
Symphonie Monoton-Silence, trois modèles nus s'enduisent de peinture
bleue et apposent les empreintes de leur corps sur des papiers blancs, disposés
sur les murs et le sol de la galerie. Une gestuelle complexe, mise en scène
par Klein, anime les figures d'un étrange ballet, dans lequel les actrices se
roulent ou se traînent par les mains sur le sol, sous les yeux de l'assistance.
Le public, en habit de soirée, est nombreux, composé d'artistes, de collectionneurs,
de critiques et après la performance, un débat général s'ouvre avec la participation
de Georges Mathieu et de Pierre Restany.
Avril
: Klein participe à l'exposition Les
Nouveaux Réalistes à la Galerie Apollinaire, à Milan avec Arman, Hains,
Dufrêne, Villeglé et Tinguely. Dans la préface du catalogue, Pierre
Restany
utilise pour la première fois le terme "Nouveau
Réalisme" :
19
mai
: Klein
dépose la formule du bleu qu'il a mise au point sous le nom International
Klein Blue (IKB). La formule déposée par Yves Klein comprend
un certain dosage de "Rhodopas MA", d'alcool d'éthyle et d'acétate
d'éthyle. En variant la concentration du pigment et le type de solvant, la peinture
peut être appliquée au pinceau, au rouleau ou au pistolet.
Eté
: Yves Klein réalise les premières Cosmogonies à Cagnes-sur-Mer, marques d'Etats-moments
de la nature. Une toile enduite de peinture bleue, fixée sur le toit de sa Citroën,
durant le voyage de Paris à Cagnes-sur-mer, est soumise aux effets du vent,
de la pluie, de la poussière. Après quelques heures de trajet, la peinture a
subi l'érosion du temps et des éléments. Yves multiplie les uvres de ce
type en utilisant les traces des ajoncs de l'embouchure du Loup, les trempages
dans l'eau préalablement bleuie de la rivière, etc.
19
octobre
: Yves Klein réalise Le
Saut dans le vide
,
3 rue Gentil-Bernard à Fontenay-aux-Roses, qui est photographié par Harry Shunk
et John Kender. Plusieurs prises de vue sont effectuées. Une répétition du "saut"
avait déjà eu lieu le 12 janvier de la même année chez Colette Allendy, rue
de l'Assomption, à Paris.
27
octobre
: Déclaration constitutive du groupe des Nouveaux Réalistes au domicile d'Yves
Klein, 14 rue Campagne-Première, Paris.
Les
signataires sont : Arman, Dufrêne, Hains, Yves Klein (Yves le Monochrome), Raysse,
Spoerri, Tinguely et Villeglé. Sont absents César et Rotella. Neuf copies manuscrites
de la main de Restany sont signées par les artistes présents et distribuées
à chacun (sept sur papier monochrome bleu, une sur papier monochrome rose et
une sur papier doré, les fonds sont préparés par Yves Klein).
28
octobre
: Klein réunit Arman, Hains, Raysse, Restany et Tinguely afin de réaliser une
Anthropométrie suaire collective. Par ce geste Klein intègre les Nouveaux
Réalistes à son uvre.
27
novembre
: à l'occasion du "Festival d'Art d'Avant-garde" à Paris, Yves Klein
publie Dimanche, quatre pages présentées au format de l'édition dominicale du
quotidien parisien France-Soir. En première page, la photographie du Saut dans
le vide intitulée Un homme dans l'espace! Le peintre de l'espace se jette
dans le vide.
1961
14
janvier - 26 février
: Exposition Yves Klein : Monochrome
und Feuer, (Yves Klein Monochrome et Feu), au Museum Haus Lange de Krefeld en
Allemagne, à l'initiative du docteur Paul Wember directeur du Musée de Krefeld.
Yves Klein réalise là sa plus importante rétrospective. Il y expose des monochromes
bleu, rose et or, les Dessins-architecture, le Mur de Feu, un espace
immatériel Immaterielle Raum qui depuis fait partie de la collection
permanente du musée. Le
mur de Feu
à l'extérieur, est composé de 50 brûleurs alignés en 5 rangées de 10. L'allumage
des éléments, dans l'obscurité, est spectaculaire. Les rosaces en forme de marguerites
montrent, si l'on s'en approche, les couleurs décomposées de la flamme : bleu,
or et rose. Non loin du Mur, jaillit la flamme de la Sculpture de feu.
Le 26 février, date de la fermeture de l'exposition, Klein réalise les premières
Peintures de feu. Une large feuille de papier ou de carton est offerte
aux flammes des becs Bunsen, et porte la marque des rosettes seules, ou des
rosettes accompagnées de la trace de La Sculpture de feu.
Mars
: Klein exécute sa première grande série de Peintures de feu au Centre
d'Essais de Gaz de France, La Plaine Saint-Denis, près de Paris.
Prolongement
des Cosmogonies et des Anthropométries, les Peintures de feu
sont la marque des "Etats-moments du feu". Klein utilise un carton
suédois renforcé qui a la particularité de brûler moins vite que le matériau
proposé habituellement. De plus, il superpose à l'action de la flamme celle
de l'eau coulant sur le support de telle sorte que l'empreinte du feu s'inscrit
en produisant des traces de ruissellement.
11
- 29 avril
: exposition Yves Klein le Monochrome à la Galerie Leo Castelli, à New
York. Yves et Rotraut s'installent pour deux mois à l'Hôtel Chelsea. Suite à
l'incompréhension du public et des artistes, Yves rédige Le
Manifeste de l'Hôtel Chelsea : Hôtel Chelsea,
New York 1961.
17
mai - 10 juin
: Yves Klein participe à la première exposition de la Galerie J, à Paris, organisée
par Pierre Restany : A quarante degrés au-dessus de Dada, les Nouveaux Réalistes,
avec Arman, César, Hains, Tinguely, Villeglé, Dufrêne, Rotella et Spoerri. Restany
publie un texte qui sera désapprouvé par Klein.
29
mai - 24 juin
: Exposition Yves Klein le Monochrome à la Dwan Gallery, à Los Angeles.
C'est
il y a vingt ans que j'ai rencontré Yves Klein pour la première fois. Il
était venu avec Rotraut, sa fiancée, à Malibu, en Californie, préparer une
exposition pour la Dwan Gallery qui devait circonscrire toutes les directions
de ce qu'il avait fait à cette date. L'année : 1961
.
Cet
artiste dont les couleurs mêmes étaient inspirées par la flamme, brûlait
lui même de sa propre vision. Il était une espèce de comète dont la trace
se mesure à l'espace vide qu'il a laissé derrière lui
(Virginia
Dwan, Impressions d'Yves Klein, Yves Klein, catalogue, Centre Georges Pompidou,
Paris 1983).
30
juin,
à la Galerie J, a lieu le vernissage de l'exposition de Niki de Saint-Phalle,
Feu à volonté. Yves Klein est invité à tirer sur les uvres préparées
à cet effet.
13
- 14 juillet
: Premier Festival du Nouveau Réalisme à Nice à la Galerie Muratore et
l'Abbaye de Roseland. Le festival dure jusqu'en septembre.
17
- 18 juillet :
Yves Klein met en scène à Paris pour le cameraman Paolo Cavera des séances d'Anthropométries
destinées au film Mondo cane de Gualterio Jacopetti, l'année suivante, dans
le cadre du Festival de Cannes.
18-19
juillet
: Klein réalise plusieurs Peintures de feu au Centre d'Essais du Gaz
de France.
8
octobre
: Klein, Raysse et Hains déclarent le groupe des Nouveaux Réalistes dissout,
à la suite du manifeste publié par Pierre Restany à l'occasion de l'exposition
A quarante degrés au dessus de Dada.
21
novembre
: exposition Yves Klein le Monochrome : il nuovo realismo del colore,
Galerie Apollinaire, Milan.
1962
Dimanche
21 janvier
:
Yves
Klein et Rotraut Uecker se
marient
en l'église
Saint-Nicolas des Champs à Paris. Tout dans la cérémonie procède d'une mise
en scène méticuleusement orchestrée par l'artiste lui-même, avec un réel souci
du rituel. Le carton d'invitation est frappé aux armes d'Yves KIein (blason
de champs bleu, bandes horizontales portant rose et abeille, symbole de la vie
à travers l'amour et le travail). Le texte est imprimé dans les trois couleurs,
bleu, or et rose. Durant la cérémonie un diadème bleu ceint les cheveux de Rotraut.
La
Symphonie Monoton-Silence est diffusée dans la nef. Une haie
d'honneur composée des chevaliers de l'Ordre de Saint-Sébastien les accueille
à leur sortie de l'église. La cérémonie est suivie d'une réception à la Coupole
où l'on sert un cocktail bleu aux invités, puis dans l'atelier de Larry Rivers.
Christo Javacheff commence le jour même l'immortalisation de l'événement sur
la toileChristo Javacheff commence
le jour même l'immortalisation de l'événement sur la toile, mais le tableau,
auquel participe Yves Klein, demeure à ce jour inachevé. Il y manque toujours
l'éponge bleue prévue initialement.
26
janvier :
Au Musée d'art moderne de la Ville de Paris, une salle est complètement débarrassée
de ses toiles, pour créer un espace de Vide.
Janvier
- février : Klein commence les moulages en plâtre d'Arman, de Martial Raysse
et de Claude Pascal, dans le but de réaliser les Portraits-reliefs des
Nouveaux Réalistes. Yves Klein procède par moulage du corps jusqu'à hauteur
des genoux. Il projette ensuite de couler ces sculptures en bronze et de pulvériser
du pigment bleu sur l'intégralité de l'uvre. Seul le Portrait-relief
d'Arman sera entièrement achevé et coulé en bronze. (
Voir en galerie sculpture )
1er
mars
: Klein réalise une Anthropométrie suaire, le Store poème, avec
Arman, Claude Pascal et Pierre Restany à son domicile. L'uvre réunit des
Allures d'objets d'Arman, des Anthropométries de Klein, un poème
en prose de Claude Pascal et un texte de Pierre Restany.
7
mars
: à l'exposition Antagonismes ll : l'objet au Musée d'art moderne de
la Ville de Paris, Klein présente des maquettes de l'Architecture
de l'air ( Projet
pour'une architecture de l'air, 1958-Yves Klein, Werner Ruhnau ) et du
Rocket pneumatique. Il s'agit d'une collaboration entre l'art et l'industrie
telle que la conçoit Yves Klein. Roger Tallon apporte son aide à Yves pour l'élaboration
du Rocket pneumatique et de la machinerie pour la maquette du toit d'air.
Au-dessus d'un diorama où évoluent des personnages nus, des buses projettent
une véritable lame d'air qui détourne la pluie simulée. La maquette du Rocket
pneumatique est celle d'un objet mu par pulsation d'air, c'est un engin
sans retour pour les consommateurs d'immatériel décidés à disparaître un jour
dans le vide.
12
mai
: Au Festival de Cannes, Klein assiste à la projection de Mondo Cane. Il sort
très humilié du portrait fait de lui, qui dénature sa démarche et son uvre.
A son insu, la séquence devant durer 20 minutes a été réduite à environ 5 minutes,
La Symphonie Monoton-Silence débute comme
prévu sur un accord en ré majeur, puis se poursuit très vite par la bande sonore
d'une mélodie quelconque. Les modèles enduits de bleu sont filmés selon une
gestuelle lascive plutôt ridicule, sans aucun rapport avec la séance d'Anthropométries
mise en scène par Klein. Yves présente, le soir même, les signes avant-coureurs
de sa première crise cardiaque.
15
mai
: vernissage de l'exposition Donner à voir à la Galerie Creuze, à Paris
pour laquelle Pierre Restany a organisé une salle des Nouveaux Réalistes. Le
Portrait-relief d'Arman y est exposé (
Voir en galerie sculpture ). KIein a de nouveau un malaise cardiaque.
6
juin à 18 heures
: Yves Klein meurt à son domicile, 14 rue Campagne-Première à Paris.
Son
fils Yves naît en août, à Nice.
Yves
Klein repose dans le petit cimetière de La Colle-sur-Loup (Alpes-Maritimes),
aux côtés de Marie et de Rose Raymond.