Gala et l'Angélus de Millet précédant l'arrivée imminente de l'anamorphose
1933
Huile sur contreplaqué, 24 X 18,8 cm

National Gallery of Canada, Ottawa

L'Angélus architectonique de Millet
1933
Huile sur toile, 73 X 60 cm
Perls Galleries, New-York

Méditation sur la harpe
1932-34,
Huile sur toile , 66,7x47cm
L'Angélus-J.F Millet vers 1855, huile sur toile 55,5 X 66 cm - Musée d'Orsay, Paris

Dans son livre, Le Mythe tragique de l'Angelus de Millet, écrit en 1938, mais publié seulement en 1963, Dalì appliquait son procédé d'interprétation paranoïaque-critique au tableau de Millet " analysant " le tableau en termes d'associations personnelles, irrationnelles et obsessionnelles, produites par les éléments distincts qui le composent. Il devina ainsi un réseau de significations cachées. Pour Dalì, dans L'Angélus, la fourche plongée dans la terre " descendant avec…une avidité résolue pour la fertilité ", signifie la pénétration sexuelle mais, par association supplémentaire, évoque aussi un scalpel employé pour la dissection. Ainsi, par des processus paranoïaques irrationnels, le sexe et la mort sont connectés. Pour Dalì, la posture du couple de paysan confirme son interprétation. L'homme "essaie de cacher son état d'érection…par la position honteuse et compromettante de son propre chapeau " . La pose de la femme est identifiée à "la très libre perforation de la mante religieuse ", allusion à l'habitude de l'insecte de dévorer le mâle après la copulation. Les poignées de la brouette, derrière la femme, sont un écho à l'attitude de prière de la mante religieuse. L'Angélus figure dans plusieurs tableaux de Dali entre 1932 et 1935, y compris dans Méditation sur la harpe, Gala et L'Angélus de Millet précédant l'arrivée imminente des anamorphoses coniques, ....................................................................................................L'Angélus .architectonique de Millet ...

Témoignage du peintre Marcel Jean : " Vers 1933, il transforma l'Angélus de Millet en un vrai geyser d'images associatives : il avait découvert que le personnage de gauche cachait sous son chapeau son sexe en érection, que la femme était enceinte, que la brouette évoquait une posture amoureuse, que la fourche était enfoncée dans la 'viande' de la terre nourricière, (...) que ces significations étaient à l'origine de la célébrité du tableau et non son apparence de banale image religieuse"

Dans ce tableau, au lieu de se transformer sous l'effet de l'interprétation paranoïaque, L'Angélus qui joue un rôle important dans l'œuvre de Dalì au début des années 30, est reproduit avec peu de changements et fonctionne comme point de départ d'une chaîne d'associations irrationnelles. Dalì copie le tableau de Millet en élargissant ses dimensions de telle manière que l'espace compris entre les personnages et à chaque extrémité de la scène soit plus grand que dans l'original et occupe toute la largeur de l'encadrement de la porte au-dessus de laquelle il est accroché. Le premier lien qui s'établit est le personnage de Maxime Gorki qui se cache derrière la porte. œuvre du romancier russe Gorki a ceci de commun avec celle de Millet qu'elle est centrée autour de la vie des pauvres et rendue avec un puissant réalisme. Lorsque Dalì exposa un jour un téléphone dont le récepteur était surmonté d'un homard, Breton expliqua qu'il s'agissant d'une évocation artistique du mécanisme automutilant entrepris par Van Gogh sur son oreille. L'observation de Breton mettait à jour une association de nature paranoïaque entre les homards et les oreilles. La présence d'un homard sur la tête de Gorki indique donc ici qu'il écoute à la porte. La personne assise dans la chambre dos à la porte est Lénine avec qui Gorki fut impliqué comme propagandiste au moment de la Révolution de 1917. Face à Lénine, Gala .

Inexplicable selon des moyens logiques, cette œuvre illustre la façon dont le raisonnement paranoïaque-critique systématise une succession délirante d'éléments, avec pour résultat une composition d'une "irrationalité concrète de la même épaisseur persuasive, connaissable et communicable que celle du monde extérieur de la réalité phénoménale".

 

Ce tableau est l'un des premiers exécutés entre 1932 et 1935 où, comme cela avait été le cas pour la légende de Guillaume Tell , L'Angélus de Millet était mêlé aux obsessions personnelles de l'artiste tout en fournissant un support pour l'exploration de ces obsessions. Par le biais de l'association paranoïaque-critique, Dalì interprète le tableau de Millet et lui donne un sens irrationnel de façon analogue à la formation de l'hallucination chez les paranoïaques. L'obsession de Dalì pour L'Angélus remonte à l'enfance. Une copie du tableau était accrochée dans le couloir qui menait à la salle de classe et il a décrit ce que l'œuvre produisait : d' "obscures angoisses, si poignantes que le souvenir de ces deux silhouettes immobiles m'a poursuivi pendant plusieurs années avec le constant malaise provoqué par leur présence continuelle et ambiguë". Dali attribuait la cause de sa névrose sexuelle au "faux souvenir" d'un acte de fellation qui impliquait sa mère. Cette angoisse est présente dans Méditation sur la harpe. Dalì montre le couple de paysans enlacés, la femme nue, l'homme tenant son chapeau de manière à dissimuler tout en révélant ce que Dalì identifiait comme un état d'érection. Une troisième figure vêtue de noir occupe le premier plan, le coude se prolongeant dans une forme où on distingue le rictus d'un crâne anamorphose. En termes psychanalytiques, les dents sont un symbole lié au sexe et cette protubérance évoque également un "déplacement" du phallus du paysan. Freud décrivait le déplacement comme un des mécanismes du rêve destiné à transposer des idées perturbantes sous une forme inoffensive. L'excroissance du coude fait donc s'apparenter le sexe et la mort, ce que vient confirmer le soutien de la béquille, symbole dalinien de la mort et de la résurrection.